Pontanézen vu par Vidocq – 1797

Célèbre aventurier de la fin du 18e s., il commence sa carrière comme soldat de l’armée révolutionnaire puis hors-la-loi. Ses crimes le conduisent au bagne dont il s’évade à plusieurs reprises. Vers 1810, il passe de l’autre côté en rejoignant les rangs de la police où il devient un redoutable limier.

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Extrait du chapitre 8 des Mémoires de Vidocq

Vidocq

« Notre pénible voyage dura vingt-quatre jours ; arrivés à Pont-à-Lezen, nous fûmes placés au dépôt du bagne, où les condamnés font une sorte de quarantaine jusqu’à ce qu’ils se soient remis de leur fatigue, et qu’on ait reconnu qu’ils ne sont pas atteints de maladies contagieuses. Dès notre arrivée, on nous fit laver deux à deux dans de grandes cuves pleines d’eau tiède : au sortir du bain, on nous délivra des habits. Je reçus comme les autres une casaque rouge, deux pantalons, deux chemises de toile à voile, deux paires de souliers, et un bonnet vert : chaque pièce de ce trousseau était marquée de l’initiale GAL, et le bonnet portait de plus une plaque de fer-blanc, sur laquelle on lisait le numéro d’inscription au registre matricule. Quand on nous eut donné des vêtements, on nous riva la manicle au pied ; mais sans former les couples.

Le dépôt de Pont-à-Lezen était une sorte de lazaret, la surveillance n’y était pas très rigoureuse ; on m’avait même assuré qu’il était assez facile de sortir des salles, et d’escalader ensuite les murs extérieurs. Je tenais ces indications d’un nommé Blondy qui s’était déjà évadé du bagne de Brest : espérant les mettre à profit, j’avais tout disposé pour être prêt à saisir l’occasion. On nous donnait parfois des pains qui pesaient jusqu’à dix-huit livres ; en partant de Morlaix, j’avais creusé l’un de ces pains, et j’y avais introduit une chemise, un pantalon et des mouchoirs : c’était là une valise d’un nouveau genre, on ne la visita pas. Le lieutenant Thierry ne m’avait pas désigné à une surveillance spéciale ; loin de là, instruit des motifs de ma condamnation, il avait dit en parlant de moi au commissaire, qu’avec des hommes aussi tranquilles, on conduirait la chaîne comme un pensionnat de demoiselles. Je n’inspirais donc aucune défiance : j’entrepris d’exécuter mon projet. Il s’agissait d’abord de percer le mur de la salle où nous étions enfermés : un ciseau d’acier oublié sur le pied de mon lit par un sbire forçat, chargé de river les manicles, me servit à pratiquer une ouverture, tandis que Blondy s’occupait de scier mes fers. L’opération terminée, mes camarades fabriquèrent un mannequin qu’ils mirent à ma place, afin de tromper la vigilance des argousins de garde, et bientôt, affublé des effets que j’avais cachés, je me trouvai dans la cour du dépôt. Les murs qui en formaient l’enceinte n’avaient pas moins de quinze pieds d’élévation ; je vis que pour les franchir, il fallait donc quelque chose qui ressemblât à une échelle : une perche m’en tint lieu, mais elle était si lourde et si longue, qu’il me fut impossible de la passer par-dessus le mur, pour descendre de l’autre côté. Après des efforts aussi vains que pénibles, je dus prendre le parti de risquer le saut ; il me réussit fort mal : je me foulai si violemment les deux pieds, qu’à peine eus-je la force de me traîner dans un buisson voisin. J’espérais que, la douleur se calmant, je pourrais fuir avant le jour, mais elle devenait de plus en plus vive, et mes pieds se gonflèrent si prodigieusement, qu’il fallut renoncer à tout espoir d’évasion. Je me traînai alors de mon mieux jusqu’à la porte du dépôt, pour y rentrer de moi-même, espérant obtenir aussi une remise sur le nombre de coups de bâton qui me revenait de droit. Une sœur que je fis demander, et à laquelle j’avouai le cas, commença par me faire passer dans une salle où mes pieds furent pansés. Cette excellente femme, que j’avais apitoyée sur mon sort, alla solliciter pour moi le commissaire du dépôt, qui lui accorda ma grâce. Quand, au bout de trois semaines, je fus guéri complètement, on me conduisit à Brest. »

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