Destin – Fatiha Sadek

Fatiha

Fatiha Sadek, auteur du spectacle Le rêve de Thia, raconte l’arrivée de sa famille à Pontanézen et ses premières années dans le quartier :

On a pris le bateau et là aussi ça avait été extraordinaire. La première fois qu’on prenait un bateau pour aller de l’autre côté. Et ça ça avait été une aventure d’être sur l’océan, enfin sur la Méditerranée. Et c’était l’aventure, c’était quelque chose d’extrêmement gai pour nous les enfants. Il y avait quelque chose de très libre, il y avait assez grandes allées dans le train avec ces compartiments énormes… on pouvait s’amuser, jouer, tout ça. Pour nous, ça été un jeu la traversée. Et nous sommes arrivés à Hendaye. mon père est venu nous chercher dans une 404 avec ses amis. Et puis c’était quelque chose aussi quand on l’a retrouvé, il y a eu un moment très pudique en fait puisque c’était comme si il nous avait quitté la veille, avec des gestes aussi très pudiques d’affection, et puis on s’est engouffrés dans cette 404, on a pris la route, et on a tracé jusqu’à en Bretagne. Et quand on est arrivés en Bretagne, on est allé donc chez ses amis, on a passé une nuit là, et mon père s’était débrouillé pour avoir une baraque. Il avait acheté la clé de quelqu’un qui avait été dans une baraque au Polygone.

On avait imaginé quand même… ça reste l’eldorado… et puis là un alignement de baraques noires avec des fenêtres avec des Z… ça fait étrange, quoi.

On est rentré là, il y avait de la vieille tapisserie, deux pièces, un petit endroit où on pouvait faire la vaisselle, et surtout il fallait se chauffer. On avait des vêtements très très léger, et là il y avait le froid. C’est le froid qui nous a vraiment assaillis, et la grisaille, et le crachin. Puis les odeurs avaient disparu, les couleurs aussi. Alors on était presque comme dans un film en noir et blanc.

Je trouve que l’apprentissage de la langue française a été douloureux. J’ai vécu ça comme une petite fille qui porte un tablier à carreaux et qui est une petite géante dans la classe des tout petits. Alors moi je crois que je suis allée à la maternelle quand j’avais déjà six ans. J’étais avec des enfants peut-être de quatre ans, et je me sentais grande grande par rapport à ces enfants-là, et j’ai un souvenir de renfermement, comme si j’étais ramassée sur moi-même. J’ai été agressée par les mots, par lettre, partout cette langue que je ne connaissais pas et que je devais apprivoiser. Et j’ai vraiment cette image, une sensation de bagarre avec les mots comme s’il m’attaquaient et que moi je devais me défendre. Une sensation de repli, jusqu’au jour où j’ai appris une petite chanson. Et c’est ça qui m’a un peu réconciliée. Cette chanson c’était : « mon petit oiseau appris à voler »

Ça a du sens ça !

D’autres témoignages dans l’article Destins.

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