Ali a 82 ans en 2004 lorsque Soazig le rencontre.
Ali est arrivé en France, seul, en 1947, par Marseille. Il a vécu de 47 à 52, dans une ville du Gard.
Quand la guerre d’Algérie a éclaté, on l’a rapatrié en Algérie avec interdiction de revenir. Là-bas, il avait ses deux frères qui avaient tous les deux combattu quatre ans pour la France dans la guerre d’Indochine et dont l’un d’eux était lieutenant dans l’armée française où il est resté 16 ans. Ce dernier était passé dans la fellagas (l’armée algérienne) à cause de la discrimination de l’armée française. Entré en résistance, Ali fut pris et torturé à l’électricité par les soldats français pour lui faire dire où était son frère (alors qu’il ne le savait pas).
Après, il fut mis au cachot pendant un mois, à deux doigts de trépasser. Il l’ont relâché de la prison et il fut placé avec toute la famille, les quatre enfants, dans un camp parqué avec d’autres familles susceptibles d’être en lien avec les résistants. Ils ont brûlé toutes les fermes autour, tous leurs bien avaient brûlé. La guerre dura de 54 à 62. Sa fille, Louisa avait six ans en 1963. En 1963, il est revenu en France pour chercher du travail. Il est venu directement à Brest, un oncle habitait ici. Et il a travaillé tout de suite sur un chantier. Ali participa à la reconstruction de la ville avec l’entreprise Marc dans le bâtiment. Du village brûlé d’Ali, en Algérie, beaucoup étaient en France, comme lui, participant à la reconstruction de la France d’après-guerre. Rien qu’à Brest, Ali a retrouvé 15 hommes (sans leurs familles) de son village. Ils étaient tous logés au Bouguen . Il est passé ensuite à travailler pour les poubelles, les premiers éboueurs chez Marc, comme salarié déclaré, il gagnait à l’époque 80 Fr. anciens par mois.
En 67 il a fait le « campement familial », et été papa de trois autres enfants car il revoyait sa femme lors de petits séjours en Algérie quatre semaines de congés par an. Une des filles est resté là-bas car mariée à 13 ans pour la protéger des viols pendant la guerre. Il ramène sept de ses enfants et son épouse Keltoum.
Il travailla jusqu’à 65 ans, jusqu’à la retraite. Il dû travailler plus, car il n’avait rien d’avant en Algérie, avant l’indépendance. Toutes les années qu’il a fait avant la guerre, pour la France, comme salarié, il n’a jamais touché aucun droit. Ils donnaient juste 20 Fr. ou 30 Fr. par mois ou rien du tout. L’administration française lui a dit que ces salaires d’avant-guerre ne lui donnaient droit à rien.
Il touche actuellement 450 € de retraite.
D’autres portraits du carnet de Soazig Dréano sur cette page.